Caroline Mignaval – Ingénieur patrimonial
Les subtilités du présent d’usage au service d’une générosité maîtrisée
Les fêtes de fin d’année sont traditionnellement marquées par l’échange de cadeaux entre proches. Dans ce contexte, le droit français encadre ces gestes par la notion de présent d’usage, qui se distingue d’une donation classique. Nous vous proposons d’en rappeler les contours.
Qu’est-ce qu’un présent d’usage ?
Le Code civil ne définit pas précisément le présent d’usage, il y fait seulement référence dans son article 852. Il convient alors de se tourner vers la doctrine administrative et la jurisprudence pour en appréhender les contours.
Il s’agit de « cadeaux faits à l’occasion de certains évènements, conformément à l’usage, et n’excédant pas une certaine valeur1 ».
Ainsi, le présent d’usage peut prendre différentes formes (par exemple une somme d’argent, un bijou, un tableau, etc.) et doit cumuler deux critères :
1. Être offert à l’occasion d’un évènement particulier, pour lequel l’usage suppose un cadeau : Noël, anniversaire, remise de diplôme, fiançailles, mariage, naissance, départ en retraite, etc.
2. Être proportionné par rapport aux ressources et au patrimoine de l’offrant.
À ce jour, l’administration fiscale n’a fixé aucune règle de proportionnalité du présent avec le patrimoine ou les revenus du donateur. Elle apprécie au cas par cas, en fonction de l’ensemble des circonstances de fait et sous le contrôle des juges de fond. Par exemple, ces derniers ont pu confirmer récemment la qualification de présent d’usage lorsque la valeur donnée n’excédait pas 2 % du patrimoine du donateur ou 2,5 % de ses revenus annuels2.
Par ailleurs, le Code civil précise que le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti. Par exemple, huit aquarelles de Pierre-Joseph Redouté évaluées à environ 857 000 € dix ans après avoir été offertes par un père à sa fille à l’occasion de son mariage ont été retenues comme présent d’usage, car leur valeur estimée au moment du mariage était d’environ 10 000 € et en rapport avec la fortune du père3.
Quelles sont les conséquences fiscales du présent d’usage ?
À la différence d’une donation, il ne consomme pas les abattements disponibles en fonction du lien de parenté entre le donateur et le donataire et il n’est pas imposable.
De plus, il n’est soumis à aucune obligation déclarative. Il est toutefois recommandé de se constituer la preuve que ce cadeau est fait dans l’esprit d’un présent d’usage, par exemple en conservant un écrit précisant la date, l’évènement ou le motif du cadeau ainsi que la ou les personnes gratifiées.
Les difficultés possibles : juridique d’un côté, fiscale de l’autre
Si le présent d’usage offre un cadre souple, il peut néanmoins susciter deux types de difficultés si les critères d’usage et de modération ne sont pas respectés :
• Une difficulté juridique, liée au risque de conflits entre héritiers, notamment lors du règlement de la succession.
Par exemple, un héritier réservataire pourrait contester la nature du présent d’usage et soutenir l’intention libérale, qualifiant ainsi le cadeau de donation devant être rapportée à la succession afin de préserver sa réserve héréditaire.
• Une difficulté fiscale, portant sur un risque de désaccord avec l’administration.
Celle-ci pourrait remettre en cause la qualification de présent d’usage et la requalifier en donation taxable si elle estime que les critères d’usage ou de proportionnalité n’étaient pas respectés. Cela peut conduire à un rappel de droits assorti d’intérêts et de pénalités.
En pratique, le présent d’usage permet d’exprimer une générosité ponctuelle dans un cadre juridique souple, mais nécessite de veiller à ce que la valeur du cadeau demeure raisonnable pour éviter toute requalification ultérieure — qu’elle soit juridique (par les héritiers) ou fiscale (par l’administration).
Notre équipe d’ingénieurs patrimoniaux souhaite de très bonnes fêtes de fin d’année à tous les heureux donataires et généreux donateurs qui sauront manier le présent d’usage avec raison !
1Cass. 1e civ, arrêt du 6 décembre 1988, n°87-15083
2CA Montpellier, 14 mars 2025 n°24/03835
3Cass.1e civ. 10 mai 1995, n°93-15.187
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