Encore peu répandues en France, les fondations actionnaires connaissent un essor significatif en Europe du Nord : on en compte 1400 au Danemark, 1000 en Suède et en Allemagne,140 en Suisse contre seulement 35 dans l’Hexagone. Certaines grandes marques incarnent cette forme d’actionnariat tels que Carlsberg, Rolex ou Bosch ou encore plus récemment Patagonia aux Etats-Unis, un symbole d’engagement médiatisé.

La fondation actionnaire est une structure qui exerce une double mission :

1. Actionnariale : en participant aux décisions de l’entreprise grâce à sa détention d’une partie du capital et des droits de vote.
2. Philanthropique : en soutenant des projets d’intérêt général grâce aux dividendes reçus.

Comme l’indique Virginie Seghers, présidente de Prophil, il s’agit d’un acte de « dépossession » : renoncer à tout ou partie de ses titres pour les transmettre à une fondation, signifie accepter que ceux-ci sortent du patrimoine familial pour servir un projet collectif et durable.

Notons que la « fondation actionnaire » est une appellation qui peut prendre les trois formes juridiques suivantes : une fondation reconnue d’utilité publique ou un fonds de dotation ou encore un fonds de pérennité.

En faisant appel à une fondation actionnaire, les actionnaires historiques permettent de sécuriser une vision de long terme, stratégique et indépendante de l’entreprise. Les droits de vote et les droits de dividendes sont souvent logés dans la même structure mais il est possible de les dissocier en les répartissant deux structures différentes. Flexibles, les modèles de fondations actionnaires peuvent s’adapter aux histoires familiales et aux gouvernance existantes.

Les motivations pour transmettre à une fondation actionnaire sont multiples et propres à chaque histoire entrepreneuriale. Par exemple :

1. Assurer la stabilité de l’entreprise et rassurer les parties prenantes.
2. Associer davantage les salariés dans l’actionnariat.
3. Promouvoir des valeurs environnementales et sociales grâce à la dimension philanthropique.
4. Rendre à la société l’héritage d’une société familiale.
5. Eviter des tensions liées à la succession et à la répartition du capital.
6. Préserver un ancrage territorial et ainsi contribuer à la souveraineté économique locale.

L’exemple de la société pharmaceutique Pierre Fabre est particulièrement emblématique. En 2008, le fondateur décide de faire don de la majorité des actions de son groupe à la Fondation Pierre Fabre. A son décès en 2013, il a fait de la Fondation son légataire universel. Celle-ci détient désormais 86% du capital de Pierre Fabre SA, la société reste ancrée dans son berceau d’origine tout en agissant largement dans le monde via la fondation.

Grace à ses fondements philanthropiques et au partage de la valeur qu’il induit, ce nouveau modèle continue d’attirer des investisseurs. Selon une étude danoise, les entreprises détenues par les fondations actionnaires ont 6 fois plus de chance de survivre sur 40 ans que les entreprises classiques et elles bénéficient d’une réputation 2 fois plus positive¹.

¹Thomsen, S. (2017). The Danish Industrial Foundations. Djøf Forlag.

Sources : Prophil.eu

Theo Nepipvoda, Fondation actionnaire : un outil de pérennité, de souveraineté et de solidarité, Les Echos, 4 novembre 2025.

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