Jérôme Chigard – Directeur de l'Ingénierie Patrimoniale
Loi de finances : de la taxe sur les allumettes à la taxe Zucman, le biais cognitif de l’impôt en France
L’esquisse par François Bayrou d’un projet de loi de Finances pour 2026 aura causé la chute de son gouvernement. Entre son évocation et l’issue fatale, notre classe politique et ses nébuleuses nous auront une fois encore fait l’étalage d’un savoir faire inégalé dans le monde, pour résoudre n’importe quel problème par l’impôt. Et une fois encore c’est la petite musique des dépenses fiscales qui aura retenu notre attention tant ce concept est puissant. Devant le mur de la dette française, il était indispensable de réduire les dépenses. Les « niches fiscales » sont budgétairement désignées comme des « dépenses » qui réduisent les impôts. Si l’on réduit les niches fiscales, on augmente les impôts. Si l’on augmente les impôts, il n’est plus nécessaire de réduire les dépenses ! CQFD.
C’est parce que depuis des années la somme de moins par moins ne fait pas plus en finances publiques (en tous cas pas plus d’électeurs) que réduire les dépenses semble inaccessible.
Réduire la dépense c’est dépenser
Nous est alors revenu en mémoire une anecdote savoureuse sur les dépenses qui, si on les supprime, nous coutent ! Car ne pas dépenser en finances publiques ce n’est pas économiser : en 1998, le Gouvernement présente sa loi de finances et prévoit la suppression d’un certain nombre d’impositions dont le recouvrement représente un coût pour les finances publiques supérieur à leur produit. C’est par exemple le cas de feu (on a le droit de s’amuser) la taxe sur les allumettes et les briquets dont le produit était destiné à la lutte contre les feux de forêts. En toute logique il aurait dû en résulter un gain provenant des économies réalisées. Et bien sauf erreur, la présentation de la mesure signalait un coût pour les finances publiques correspondant au produit de la taxe. Donc en France supprimer une imposition même quand elle coûte, que son rendement est négatif constitue une dépense fiscale.
On comprend dès lors pourquoi si l’on suit ces raisonnements, réaliser 40 milliards d’euros d’économies sur les dépenses est périlleux. En effet, moins dépenser peut en définitive coûter, comme on vient de le voir.
Reste le levier des recettes fiscales
Dès lors une seule voie demeure envisageable face au mur de la dette : augmenter les impôts ! Et quoi de plus efficace politiquement qu’une taxe qui ne concerne qu’un nombre réduit de contribuables dont l’existence nuisible pour la collectivité peut être fantasmée. C’est l’avènement de la providentielle taxe Zucman ! Une imposition différentielle destinée à garantir une taxation minimale au taux de 2% des patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Ainsi pour un patrimoine d’une valeur d’1 milliard, le contribuable devrait s’acquitter d’une imposition minimale de 20 millions d’euros. S’il s’acquitte d’ores et déjà de 12 millions d’euros d’impôts, il ne lui resterait plus qu’à s’acquitter des 8 millions restants.
Simple en apparence comme souvent et miraculeuse pour les finances publiques (un rendement de 20 milliards d’euros est attendu) la mise en œuvre risque de s’avérer ubuesque et le rendement nul pour ne pas dire négatif. Il suffit pour s’en convaincre de s’intéresser à la contribution différentielle sur les hauts revenus en vigueur cette année et destinée à assurer une imposition minimale des revenus au taux de 20%, avec l’obligation de verser un acompte égal à 95% de l’imposition définitive dès le mois de décembre. Sauf que pour faire ce calcul et se conformer à la loi, il faudrait que la loi de finances pour 2026 soit connue, celle-ci déterminant les règles applicables aux revenus de 2025. Mais le Gouvernement chargé de la présenter a démissionné et il n’y a toujours pas de projet de loi. Si le scénario de l’année précédente se répète, les contribuables concernés feront les frais des délires techniques que constituent ce genre d’impositions.
Et l’on n’évoque même pas les conséquences sur l’investissement et les délocalisations, de ces impositions « boucs émissaires ». La Norvège en a fait l’amère expérience.
Plus généralement on frémit déjà à l’idée de ce que cette loi de finances pourrait enfanter à l’image de 2012, bien loin de ce que la raison devrait commander : a minima dépenser mieux.
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