Mathilde Bonvin – responsable esg oddo bhf banque privée

L’énergie au service de l’IA : regards croisés entre experts

Les liens entre l’intelligence artificielle (IA) et besoins énergétiques qu’elle requière sont de plus en plus tendus. Nos trois experts – Brice Prunas (gérant du fonds ODDO BHF Artificial Intelligence), Ferdinand Dalhuisen et Pablo Revuelta – nous partagent leur vision et les perspectives offertes par ces secteurs.

IA : une révolution technologique… qui bute sur la limite énergétique

Brice Prunas ouvre notre discussion en rappelant l’explosion des usages liés à l’IA : « Le nombre de tokens1 double tous les quelques mois. » Il cite Éric Schmidt, ancien PDG de Google : « L’Intelligence artificielle est une technologie auto-apprenante, elle auto apprend de manière récursive et cet apprentissage s’accélère avec le temps. Dans les business à effet de réseaux de ce type, quand un processus commence à apprendre de plus en plus vite, tout accélère, et cette accélération tend vers une limite naturelle : l’électricité. »

Selon lui, l’IA est indissociable de l’électricité : algorithmes et données ne peuvent exister sans centres de calcul massifs. La perspective est frappante : il faudrait environ 92GW de capacité électrique supplémentaire pour soutenir la croissance de l’IA aux États-Unis – l’équivalent de près d’une centaine de centrales nucléaires. À titre indicatif, l’ensemble de la puissance requise aujourd’hui pour le minage du Bitcoin2 représente environ 20GW.

Les géants de la Tech et la décarbonation de leur mix énergétique

Ferdinand Dalhuisen poursuit sur ce constat : « Les géants de la Tech américaine ont doublé leur consommation d’électricité depuis 2020, et elle pourrait être multipliée par quatre dans les années à venir ». Ces entreprises ont pris des engagements pour réduire leurs émissions de carbone et doivent donc décarboner à tout prix leur mix énergétique. 

Pablo Revuelta illustre cette dynamique à travers l’investissement dans une plateforme de green data centers : « Les grands acteurs du cloud recherchent des solutions vertes et compétitives. De nouvelles infrastructures émergent offrant des opportunités d’investissement avec des profils risque-rendement attractifs3. »

L’essor des renouvelables et du stockage

La question devient alors : comment produire l’énergie nécessaire à cette révolution numérique ?

Pour Ferdinand Dalhuisen, la tendance est claire : « Aux États-Unis, plus de 90 % de la nouvelle capacité électrique provient déjà des renouvelables, et en Europe l’électricité renouvelable devrait représenter 70 % du mix énergétique d’ici 2030 ». En parallèle, les investissements massifs de la Chine dans l’énergie solaire (277GW installés en 20244) démontrent le rôle majeur des renouvelables pour adresser les besoins d’électricité liés à la révolution numérique.

Dans la lignée du développement des renouvelables et notamment du solaire, Pablo Revuelta insiste sur le rôle du stockage : « Dans le stockage par batteries, un secteur clé pour apporter de la flexibilité au réseau électrique face à la production intermittente des renouvelables, nous avons investi à la fois dans une plateforme d’actifs physiques et dans une place de marché inédite, permettant de contractualiser l’offre et la demande de capacité de stockage sur le long terme ».

L’IA au service de l’énergie

Si l’énergie est indispensable au développement de l’IA, cette dernière peut-elle aussi servir l’énergie en retour ?

Brice Prunas confirme ce rôle en sens inverse : « L’IA est déjà utilisée pour optimiser les réseaux et accélérer la recherche, y compris dans la fusion nucléaire. Elle permet de modéliser des matériaux capables de résister à des températures extrêmes.»

Opportunités d’investissement

Au-delà des data centers, les opportunités sont nombreuses : systèmes de stockage d’électricité, infrastructures liées au réseau électrique, véhicules électriques (+25 % de ventes au S1 2025 en Europe5), mais aussi des technologies facilitatrices comme les chargeurs rapides ou le biométhane.

Ferdinand Dalhuisen résume : « Le secteur de la transition énergétique permet aux investisseurs d’avoir accès à un marché avec des perspectives de croissance attractives et à des opportunités d’investissement alignées avec une création de valeur durable, tout en mitigeant le potentiel impact financier du changement climatique dans leur portefeuille. »

1Les tokens (jetons) sont des unités de données traitées par les modèles d’IA pendant l’entraînement et l’inférence afin de permettre la prédiction, la génération et le raisonnement.
2Le minage est le processus par lequel des réseaux d’ordinateurs spécialisés génèrent et libèrent de nouveaux bitcoins et vérifient les nouvelles transactions
3L’investissement présente un risque de perte en capital.
4PV magazine, China hits 277.17 GW of new PV installations in 2024
5Christophe Jaussaud, Les ventes de véhicules électriques en hausse de 25 % en Europe

Ce document a été préparé par ODDO BHF dans un but purement informatif. Il ne saurait créer de quelconques obligations à charge de ODDO BHF. Les opinions émises dans ce document correspondent aux anticipations de marché de ODDO BHF au moment de la publication de document. Elles sont susceptibles d’évoluer en fonction des conditions de marché et ne sauraient en aucun cas engager la responsabilité contractuelle de ODDO BHF. Avant d’investir dans une quelconque classe d’actifs, il est fortement recommandé à l’investisseur potentiel de s’enquérir de manière détaillée des risques auxquels ces classes d’actifs sont exposées notamment le risque de perte en capital. Les risques de cette classe d’actifs sont les suivants : risque de perte totale du capital investi, risque d’illiquidité avec des périodes de blocage jusqu’à 12 ans, risque lié à la valorisation des titres en portefeuille, risque lié à la gestion discrétionnaire et au faible contrôle.