Mathilde Bonvin – responsable esg, oddo bhf banque privée
La mode doit se payer le luxe d’être durable
Le luxe fascine pour sa rareté et son excellence dans tous les coins du globe. Mais à l’heure où les investisseurs intègrent les critères de durabilité et où les jeunes générations plébiscitent des marques responsables, un nouveau défi s’impose : conjuguer prestige et durabilité.
Les impacts environnementaux du secteur
Derrière les vitrines, l’impact environnemental et climatique du luxe est considérable. Le secteur de la mode dans son ensemble représente près de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre1. Son empreinte sur les ressources naturelles est également colossale : le secteur consomme près de 93 milliards de m³ d’eau par an et génère 20 % des eaux usées mondiales2.
La circularité reste la faiblesse du secteur alors que seuls 3 % des textiles intègrent des matières recyclées, et près des trois quarts de la production finit incinérée. Le recyclage chimique offre des perspectives, mais son coût plus de deux fois supérieur freine encore son adoption à grande échelle.
Les défis sociaux du luxe
Le secteur du luxe s’appuie sur une chaîne d’approvisionnement mondiale, souvent complexe. Il est donc exposé à des risques en matière de droits humains, de bien-être animal ou d’éthique des affaires. Toutefois, il peut aussi être un moteur de durabilité sociale grâce au maintien des savoir-faire artisanaux, à la valorisation des territoires et création de filières locales plus transparentes.
La gouvernance constitue également un enjeu spécifique : dans un univers où le nom du fondateur se confond avec celui de la marque, les questions de contrôle familial et d’indépendance stratégique peuvent peser sur la capacité à se transformer durablement.
La durabilité, une condition du succès à long terme
Plus qu’un impératif moral, la durabilité devient un avantage compétitif. D’ici 2026, les Millenials et la Génération Z représenteront 75% du marché du luxe. Selon une étude du BCG3, 65% de ces consommateurs montrent un intérêt pour la location et la seconde main, plus durables et circulaires. En toile de fonds, la montée en puissance de la « fast fashion » cristallise toutes les critiques. Ce modèle fondé sur le volume, l’accessibilité et la rotation rapide des collections va frontalement à l’encontre des enjeux de durabilité et des principes du luxe. Le Sénat français a tranché : il s’y oppose et a adopté en juin 2025 une loi pour freiner l’essor de cette mode ultra éphémère4.
Pour les investisseurs, le message est clair : la valeur du luxe se redéfinit. Les marques capables d’allier authenticité, transparence et responsabilité seront celles qui capteront la croissance future. La durabilité n’est plus un supplément d’âme, mais la nouvelle griffe du succès.
1United Nations Climate Change, 2018, https://unfccc.int/fr/news/l-onu-aide-l-industrie-de-la-mode-en-transition-vers-une-economie-bas-carbone#:~:text=Le%20secteur%20de%20la%20mode,production%20%C3%A0%20forte%20intensit%C3%A9%20%C3%A9nerg%C3%A9tique.
2Le Monde, Septembre 2019, Juliette Desmonceaux, https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/09/01/co2-eau-microplastique-la-mode-est-l-une-des-industries-les-plus-polluantes-du-monde_5505091_4355770.html
3True-Luxury Global Consumer Insights, BCG et AltaGamma, Juillet 2023, https://web-assets.bcg.com/37/f1/e129b4b84e0f88f75bcc7d1b977c/etude-bcg-x-altagamma-true-luxury-consumer-insights-2023.pdf
4Le Monde, Juin 2025, https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/06/10/fast-fashion-le-senat-adopte-une-loi-pour-freiner-l-essor-de-la-mode-ultra-ephemere_6612067_3234.html
Source : ODDO BHF Securities, « La durabilité est un luxe que le Luxe n’a pas fini de payer », avril 2023
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