Mathilde Bonvin – responsable esg oddo bhf banque privée
La guerre irrationnelle de Trump contre les renouvelables
Le retour de Donald Trump au pouvoir en 2025 a eu l’effet d’un coup de tonnerre pour les investisseurs durables. Le consensus du marché, trop optimiste, imaginait que même Trump ne pourrait revenir complètement sur l’Inflation Reduction Act (IRA) – ce programme-clé de subventions massives pour la transition énergétique, signé sous Biden. Pourtant, en quelques mois, Trump a lancé une charge contre les énergies renouvelables, plus violente que quiconque n’anticipait.
Retour sur la révolution de l’IRA
L’Inflation Reduction Act, adopté aux États-Unis en août 2022, représentait près de 370 milliards de dollars1 d’aides fédérales et incitations fiscales pour :
- Stimuler la production d’énergies renouvelables (solaire, éolien, batteries, etc.),
- Relocaliser des chaînes de valeur stratégiques (véhicules électriques, hydrogène),
- Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030 par rapport à 20052.
Les résultats de l’IRA ont été immédiats avec la première année 90 milliards de dollars d’investissement dans les énergies propres et 100 000 créations d’emploi3.
Une refonte drastique et punitive de l’IRA
Les nouvelles règles imposées par l’administration Trump rendent l’accès aux subventions plus difficiles : conditions d’éligibilité complexifiées, délais d’exécution des projets raccourcis…
Dans le viseur de Trump sont principalement les projets de parcs éoliens. 8 gigawatts de production sont actuellement bloqués ou menacés par l’administration Trump (soit l’équivalent de 8 réacteurs nucléaires)4 .
Ce changement de cap menace directement l’économie verte américaine : l’IRA avait permis d’homogénéiser les coûts des projets en rendant les énergies renouvelables de façon générale plus rentables que les centrales à gaz notamment. Sans ces subventions, l’avantage lié au prix du renouvelable est remis en cause, et il s’agira désormais davantage d’une question de cas par cas, chaque projet énergétique comportant ses propres coûts qui découlent d’une multitude de facteurs.
Des exceptions notables : solaire “Made in USA”, nucléaire et géothermie
Malgré un recul général du soutien fédéral américain à la transition énergétique, trois segments spécifiques semblent épargnés – pour des raisons à la fois stratégiques, industrielles et politiques :
- Le solaire 100% américain : pour privilégier la production nationale, les projets solaires intégralement réalisés sur le sol des Etats-Unis (chaîne de valeur incluse) restent éligibles aux crédits jusqu’en 2032. Cette approche “Buy American” (« acheter américain ») s’inscrit dans la continuité de leurs politiques protectionnistes.
- Le nucléaire5 : perçu comme une source d’énergie pilotable, peu carbonée, et compatible avec l’indépendance énergétique nationale, le nucléaire bénéficie d’un soutien bipartisan aux États-Unis. L’administration Trump y voit un levier stratégique de puissance industrielle, poussée notamment par certains géants de la Tech ayant affiché des objectifs de neutralité carbone.
- La géothermie6 : technologie encore marginale mais jugée prometteuse, la géothermie bénéficie de la stabilité des aides nationales. Cette exception serait notamment due à des intérêts financiers de certains membres de l’administration Trump, dont pourrait faire partie Chris Wright, secrétaire américain à l’Energie, qui en début d’année a affirmé explicitement son soutien à l’énergie et au chauffage géothermique.
Ces exceptions montrent que le désengagement de l’État fédéral vis-à-vis de la transition n’est pas uniforme, mais réoriente les flux vers les segments jugés compatibles avec la vision industrielle protectionniste de Trump.
Quand l’irrationnel l’emporte sur la stratégie
Alors que la demande en électricité est attendue au plus haut, poussée par les besoins en énergie des data center de l’intelligence artificielle, il semble peu stratégique de ralentir le développement d’énergies renouvelables. En effet, même sans subventions, la production renouvelable reste la plus compétitive en termes de coûts et la plus rapide à déployer7.
Le revirement de l’IRA est symptomatique d’une administration guidée par des logiques électoralistes plutôt que stratégiques. Un sondage Nate Silver8 confirme une popularité en hausse malgré tout : Trump affiche une approbation nette à -8 %, un chiffre bien plus favorable qu’au même moment de son mandat en 2020 – un signal fort que cette politique pourrait durer au-delà de son mandat actuel.
1Biden is scrambling to spend money on clean tech. Trump wants to stop it. | Vox
3World Economic Forum : Here’s how the Inflation Reduction Act is impacting green job creation
4Trump Plans to Block Iberdrola Massachusetts Wind Projects
5Trump Privilégie l’Énergie Nucléaire, Jugée « Plus Américaine » que l’Éolien et le Solaire, selon un Responsable Américain | Zonebourse Suisse La nouvelle politique énergétique des États-Unis : domination énergétique ou repli ? | Ifri
7Lazard, Levelised Cost of Energy, 2025
8Trump Approval Rating: Latest Polls | Silver Bulletin
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