Mathilde Bonvin – Responsable ESG ODDO BHF Banque Privée

Habemus Papam: que nous enseigne l’Eglise sur la finance ?

Alors que l’Eglise catholique traverse un moment de deuil avec la mort du pape François, s’interroger sur ses enseignements en matière sociétale prend une résonance particulière. Les fondements éthiques proposés par la Doctrine Sociale de l’Eglise (DSE) sont un ensemble de principes développés depuis plus d’un siècle, qui abordent la dignité humaine, la justice sociale, le bien commun et le rôle de l’économie. La DSE propose notamment des repères de réflexion sur l’économie et la justice sociale. Quel est le point de vue de l’Eglise catholique sur la finance responsable et comment entend-t-elle conjuguer investissement rentable et éthique ?

  1. Une invitation au discernement

Les grandes crises financières, comme celle de 2007-2008, puis les multiples urgences environnementales et sociales ont profondément ébranlé les certitudes sur le rôle du capital. Dès 1931, le pape Pie XI indiquait dans son encyclique que la finance n’a de sens que si elle est au service de l’homme et du bien commun[1]. Le profit n’est pas condamné, mais il devient problématique lorsqu’il est détaché de toute responsabilité sociale. Cette perspective, fondée sur une vision intégrale de l’humain, a depuis traversé les décennies et influencé diverses réflexions économiques. Cet appel à la sagesse est notamment repris par le pape François en 2020 qui appelle à une régulation de l’activité financière spéculative et de la richesse fictive dans son encyclique[2].

  1. Une boussole morale dans un monde complexe

Dans cette perspective, la Doctrine Sociale de l’Eglise (DSE) propose une approche singulière : elle plaide pour une rencontre entre éthique et savoirs scientifiques. Plutôt que d’opposer foi et raison, elle encourage une alliance entre disciplines, où la théologie, la philosophie et les sciences collaborent au service du bien commun. Ce dialogue interdisciplinaire vise à faire émerger des décisions plus justes, éclairées par une compréhension plus profonde de l’humain et de ses besoins. Le pape François insiste particulièrement sur la nécessité de penser ensemble la protection des personnes et celle de l’environnement. Il souligne que la dégradation humaine et sociale est indissociable de la dégradation écologique et que les premières victimes de ces crises imbriquées sont souvent les plus vulnérables[3]. Ainsi l’investisseur doit être habité, dans son intention d’investir, par la finalité de son investissement, à savoir, le développement humain intégral, y compris dans sa “maison commune”, c’est-à-dire en respectant l’environnement et la biodiversité.

  1. Vers une économie guidée par la foi et la raison

Le guide Mensuram Bonam de 2022 s’adresse aux investisseurs catholiques et propose une méthode pour réfléchir en amont des décisions financières, à partir de critères inspirés de la foi. Mensuram Bonam appelle les investisseurs à se mobiliser pour faire évoluer la culture économique, en y introduisant plus de conscience et d’engagement. Ce guide insiste notamment sur la nécessité de replacer la dignité de chaque personne au cœur des décisions : non pas comme une abstraction morale, mais comme un repère concret pour penser autrement la valeur, la croissance et le progrès. Ce document invite à « considérer chaque être humain en tant que personne comme la mesure centrale de l’ordre social et pour créer une conception de la dignité humaine qui ne laisse personne de côté » (n°4).

Ainsi, ce guide soutient l’émergence d’une génération nouvelle de ce que l’on pourrait appeler les « investisseurs intégraux », en leur fournissant les enseignements de l’Eglise afin d’inspirer une vision et de développer une perspective qui soit plus large et plus inclusive.

Ce document est fourni à titre informatif, il reflète une approche éthique et culturelle de l’investissement et ne constitue en aucun cas une recommandation personnalisée, ni une prise de position d’ODDO BHF SCA.

[1] Encyclique Quadragesimo Anno, 1931

[2] François, Laudato Si, repris dans Fratelli tutti, 2020, 170

[3] François, Laudato Si