Sixtine Bourles – Gérant Conseiller en investissement, oddo bhf banque privée
Espagne : la surprise boursière de 2025
À deux mois de clôturer l’année 2025, l’heure n’est pas encore au bilan (le calendrier des incertitudes économiques est bien rempli pour les 60 prochains jours), mais s’il fallait commencer à dessiner un podium des performances boursières des marchés développés, une géographie tire tout particulièrement son épingle du jeu et son avance semble difficilement rattrapable : l’Espagne. Depuis le 1er janvier 2025, l’Ibex 35, l’indice phare espagnol, s’octroie plus de 38% de performance. C’est plus que les indices américains et leurs actions d’Intelligence Artificielle apparemment inarrêtables.
Alors que la France et l’Allemagne, économies historiquement reconnues comme plus prospères en Europe, ont été confrontées à des troubles politiques et aux inquiétudes des investisseurs quant aux dépenses à long terme des gouvernements, l’Espagne a bénéficié d’une triple amélioration de sa notation de crédit en septembre. Les trois agences de notation, S&P, Moody’s et Fitch, ont successivement relevé leur note de crédit souverain à long terme.
En effet, l’Espagne a discrètement surperformé sur quasiment tous les indicateurs, apparemment insensible aux incertitudes économiques mondiales et aux droits de douane américains.
Concrètement, la dette publique a poursuivi son recul autour de 100% du PIB en décembre 2024, après avoir atteint un pic à 120% pendant la pandémie. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que le ratio dette/PIB de l’Espagne tombera à 93 % d’ici 2030, tandis que ceux des États-Unis, de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni devraient continuer d’augmenter au cours des cinq prochaines années.
Côté déficit, le déficit espagnol devrait tomber en dessous de 3% du PIB cette année (celui de la France devrait rester proche de 6%, soit 2 fois le plafond de l’Union européenne). L’endettement privé reste également contenu autour de 125% du PIB (contre une moyenne à plus de 150% en zone euro). En conséquence, l’écart de taux 10 ans Bono-Bund (prime exigée par les investisseurs pour détenir de la dette espagnole plutôt qu’allemande) est le plus faible depuis 2009. Les investisseurs exigent désormais une compensation plus élevée pour prêter à la France qu’à l’Espagne.
Côté croissance, l’Espagne est clairement dans le peloton de tête en Europe. Alors que la croissance de la zone euro est attendue à 1,2% en 2025 puis à 1,1% en 2026, l’Espagne devrait délivrer une croissance de son PIB de 2,9% en 2025 puis 2% en 2026 (prévisions FMI). Les prévisions s’établissent à 0,2% pour l’Allemagne, 0,8% pour la France et 0,5% pour l’Italie.
Comment l’Espagne a-t-elle réussi à signer une telle performance ?
Tout d’abord, l’Espagne a bénéficié d’une forte remontée du tourisme post-COVID. En juillet 2025, l’Espagne a accueilli un nombre record de 11 millions de touristes internationaux. Si la croissance du secteur devrait maintenant se normaliser, le tourisme reste un des moteurs de l’économie espagnole.
De plus,le marché du travail espagnol est soutenu par l’immigration. Depuis 2022, l’Espagne accueille chaque année près de 600 000 personnes, pour la plupart en âge de travailler. Cela fait grimper la population active. La compétitivité s’en trouve améliorée via des hausses modérées des salaires et des gains de productivité. C’est un cercle vertueux, la confiance des ménages se redresse, les revenus réels augmentent, et une partie de l’épargne accumulée pendant la pandémie est progressivement mobilisée.
L’Espagne est le deuxième pays bénéficiaire en montant du plan européen « Next Generation EU », un plan de relance économique de l’Union européenne pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire liée au COVID-19. Ces milliards sont destinés à l’énergie verte, aux modernisations numériques et aux infrastructures. En d’autres termes, de gros contrats pour les entreprises espagnoles et plus de dynamisme pour l’Ibex.
Pour finir, le secteur bancaire a retrouvé des couleurs, soutenu par le cycle de baisses des taux d’intérêt de la BCE et la modération de l’inflation. Les ménages et les entreprises espagnols se sont désendettés. Le crédit bancaire aux ménages et aux entreprises continue de circuler, avec un taux de défaut (« non-performing loans ») parmi les plus bas depuis la crise financière précédente. C’est d’ailleurs ce secteur bancaire qui explique une majeure partie de la performance de l’Ibex 35. Les banques espagnoles, qui constituent plus de 40% de l’indice, affichent une hausse de plus de 80% en euros cette année, contre environ 60 % pour l’indice bancaire de la zone euro.
Malgré cette impressionnante performance, l’Ibex 35 n’a pas encore atteint son niveau d’avant crise financière, tandis que la dynamique des bénéfices continue de croître et que le marché est loin d’être saturé. Les valorisations restent raisonnables ; à 12,5 fois le PE 12m forward (ratio cours/bénéfice prévisionnels basés sur les estimations des 12 prochains mois), un des indices les moins chers d’Europe.
Sources : Bloomberg, ODDO BHF Banque Privée le 31/10/2025
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