Alexandre Feuilleuse – Ingénieur Patrimonial
Dividendes : avant l’heure ce n’est pas l’heure, après l’heure ce n’est plus l’heure
Le dividende vient rémunérer le capital des associés d’une société. Le préalable à toute distribution est la constatation d’un bénéfice, présent ou passé. La société peut distribuer :
- le résultat du dernier exercice clos,
- un résultat d’un exercice antérieur qui avait été placé en report à nouveau,
- un résultat d’un exercice antérieur affecté à un poste de réserve facultative.
La Cour de cassation vient apporter des précisions quant à l’assemblée générale compétente pour décider de la distribution du report à nouveau : il s’agit de l’assemblée générale ordinaire d’approbation des comptes (AGOA). Le report à nouveau est inclus dans le bénéfice distribuable de l’exercice qui le suit, ainsi seule l’assemblée approuvant les comptes de cet exercice est compétente pour décider de son affectation et donc de sa distribution. L’AGOA doit intervenir, sauf exceptions, dans les 6 mois suivants la clôture de l’exercice.
Or, en période d’instabilité fiscale, beaucoup d’assemblées générales décident d’une distribution en fin d’année, donc après l’AGOA lorsque l’exercice correspond à l’année civile. Cette chronologie permet de connaître le contenu de la loi de finances votée en fin d’année et donc de sécuriser le régime fiscal applicable à la distribution.
Quelles seraient les conséquences d’une distribution qui serait décidée en dehors de l’AGOA ?
Celle-ci serait nulle et cette nullité pourrait être revendiquée par toute personne intéressée : un associé, un tiers créancier, l’Administration fiscale…
Nous identifions trois risques :
- Un risque juridique : la nullité de la distribution implique la restitution par les associés des sommes reçues. Dans le cadre de la vente d’une société, l’acquéreur devenu associé pourrait revendiquer cette nullité. Le vendeur serait alors contraint de restituer les dividendes reçus, sans que le contrat de vente ne puisse être revu.
- Un risque pénal : une distribution fictive est sanctionnée par 5 ans d’emprisonnement et 375 000€ d’amende (x5 si l’auteur est une société).
- Un risque fiscal : La qualification de dividende fictif n’est pas neutre sur le plan fiscal, elle fait perdre le bénéfice de l’abattement de 40% en cas d’option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu. Ce point ne devrait pas être négligé en cas de modification des règles fiscales en cours d’année.
En conclusion, il convient d’anticiper l’éventualité d’une distribution de fin d’année, en dehors de l’AGOA, en suivant la procédure de l’acompte sur dividendes. Le commissaire aux comptes procèdera à la certification d’un bilan intercalaire. Cette procédure devrait être suivie y compris lorsque le report à nouveau couvre la distribution, et faute de réponse pour le moment, en cas de distribution de réserves.
Certes, la procédure de l’acompte sur dividende est couteuse mais sécurisera sur le plan juridique, pénal et fiscal la stratégie des associés, y compris lorsqu’il n’y en a qu’un.
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