Alexandre Feuilleuse – Ingénieur Patrimonial
Contribution différentielle sur les hauts revenus : tenez-vous prêts
Issue des débats budgétaires de 2024 et adoptée dans le budget du Gouvernement Bayrou, la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) risque d’infliger des maux de têtes aux contribuables et leurs conseils avant le 15 décembre.
Tel l’enfant prodigue en manque d’argent de poche, le Parlement a souhaité recouvrir la CDHR avant que son assiette ne soit figée, le 15 décembre. L’enjeu s’élèverait à 1.2 milliards pour les finances publiques, ce prélèvement n’aurait-il pas pu attendre les déclarations d’impôt sur le revenu, au printemps 2026 ?
Si la loi est dure, elle reste la loi et il convient de s’y conformer.
Vous connaissiez la CEHR (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus), ne bégayez pas, la CDHR ne se veut pas exceptionnelle mais différentielle.
L’objectif est de soumettre les résidents français à un taux minimal d’imposition de 20%. Seuls les contribuables dont le revenu fiscal de référence « retraité » excède 250 000€ pour un célibataire et 500 000€ pour un couple marié ou pacsé sont visés. L’ensemble des impôts du contribuable après retraitement sont comparés à ses revenus eux-mêmes le cas échéant corrigés. Si le taux d’imposition qui en résulte est inférieur à 20%, la CDHR s’applique et correspond à la différence entre ce taux déterminé et 20%.
Ne vous rassurez pas trop vite, les prélèvements sociaux, entre autres, ne sont pas inclus dans les impôts permettant de calculer le taux de 20%. Ainsi, la flat tax, dont le taux est pour l’heure de 30%, n’est retenue que pour 12,8% au titre du seul acompte d’impôt sur le revenu.
En synthèse, les profils avec d’importants revenus d’activité (salaires, revenus de gérance…) ou soumis au barème progressif (revenus fonciers) devraient et sauf exception, rester en dehors du champ. En revanche les contribuables dont les revenus sont soumis de façon prépondérante à un impôt forfaitaire (dividendes, plus-values mobilières, rachats d’assurance-vie) seront dans l’œil du cyclone.
Des dispositions de lissage existent mais il faut noter que la CDHR s’applique dès le premier euro de revenu lorsque son seuil d’assujettissement est franchi. Aussi, une attention particulière devra être apportée aux arbitrages de fin d’année, par exemple pour les distributions de dividendes.
Calcul du revenu fiscal de référence retraité
Certains revenus sont exclus de l’assiette. Sans exhaustivité, on peut citer : les retraits sur un PEA de plus 5 ans, les plus-values en report déchues, l’abattement de 500 000€ pour les dirigeants partant en retraite…
Les retraits sur les contrats d’assurance-vie réalisés avant le 15 février et soumis au prélèvement libératoire sont exclus du dispositif tant pour les gains réalisés que pour l’impôt acquitté.
Calcul du montant de l’impôt retraité
Des majorations du montant de l’impôt réel seront effectuées pour tenir compte de la situation familiale : couple, enfants… D’autres permettront de corriger l’effet des crédits et réductions d’impôt comme pour l’investissement dans les PME.
Certaines réductions d’impôts ne seront pas prises en compte et leur effet pourra être annulé par la CDHR, c’est le cas des dons aux œuvres ou des emplois à domicile.
IFI, prélèvements sociaux, taxes d’habitation et foncières ne sont pas pris en compte pour calculer le seuil de 20%.
L’épineux sujet des revenus exceptionnels
Les « revenus qui par nature ne sont pas susceptibles d’être recueillis annuellement » peuvent bénéficier d’un mécanisme permettant de lisser leur effet. Outre l’absence de récurrence, les revenus exceptionnels doivent dépasser la moyenne des revenus nets imposables des trois dernières années. Si ces conditions sont réunies, seuls 25% du revenu en question seront pris en compte pour le calcul de la CDHR.
Prenons quelques exemples d’opérations sujettes à interrogation :
- Distribution de dividendes : a priori ce n’est pas une opération exceptionnelle puisqu’elles peuvent intervenir chaque année. Certains cas méritent une analyse : distribution importante puisée dans les réserves, distribution à la suite d’un résultat exceptionnel (cession d’une filiale)…
- Cession de valeurs mobilières : on ne parle pas des plus-values récurrentes réalisées sur un portefeuille mais de la cession de parts d’une entreprise. La singularité et l’importance de l’évènement devraient permettre d’accéder à la qualification. Néanmoins, chaque situation devra être analysée.
- Carried interest1 : la récurrence de sa perception et le caractère professionnel de ces gains devraient faire échec à la qualification de revenu exceptionnel.
- Rachat d’un contrat d’assurance-vie : a priori la qualification sera complexe à démontrer.
Modalité de déclaration et de recouvrement
La déclaration devra être complétée entre le 1er et 15 décembre en ligne dans l’espace « gérer mon prélèvement à la source », un onglet dédié devrait être ajouté. Une seule connexion serait possible et la déclaration ne pourra pas être corrigée. Il ne faut pas se préciter mais se concerter avec son conseil habituel au préalable. La déclaration devrait ressembler à la déclaration d’impôt sur le revenu.
Un acompte de 95% de l’impôt estimé sera prélevé 48h après la soumission de la déclaration.
Pour les revenus ou gains non réalisés au 15 décembre (distribution ou cession incertaine…) vous devrez réaliser une estimation du flux attendu.
En cas d’erreur minorant de 20% ou plus le montant de l’impôt dû, une pénalité de 20% sur l’insuffisance sera appliquée. Si votre trésorerie le permet, dans le doute, nous vous suggérons de déclarer des revenus plus importants qu’estimés. Le trop payé vous sera restitué vraisemblablement à l’été et se compensera avec un éventuel solde d’impôt.
L’ Administration vous propose donc un do it yourself2 fiscal : liquidez un impôt sur des revenus qui ne se sont pas encore arrêtés à partir de règles fiscales, pour les autres impôts, qui pourront évoluer jusqu’au 31 décembre si un budget est voté.
La CDHR devait être exceptionnelle, le projet de loi de finances prévoit sa reconduction en 2026… à suivre !
1 Carried interest : participation détenue par des gérants au sein de fonds de private equity ou d’actifs privés.
2 Do it yourself : faites-le vous-même.
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