Diane Neuville – Gérante de portefeuille, ODDO BHF Banque Privée

Beaucoup de bruit pour rien ?

La volatilité observée au cours des six premiers mois de l’année devrait se prolonger. Après une première partie de l’année dominée par les annonces politique, l’évolution des marchés dépendra beaucoup désormais des prochaines données macro et microéconomiques. Juge de paix impartiales, ce sont elles qui donneront un aperçu de la façon dont les économies américaine et mondiale réagissent face à l’incertitude actuelle et aux nouvelles pressions sur les coûts.

Tandis que la politique de Trump amène les droits de douane à un nouveau sommet depuis 1934, les perspectives de croissance sont révisées à la baisse. À titre d’exemple, la croissance américaine attendue pour 2025 a été abaissée de 2,7 % à 1,8 % (PIB réel) entre janvier et avril par le FMI. Au niveau mondial, il en va de même, passant de 3,3 % à 2,8 % attendu. En Europe, la croissance potentielle calculée par les économistes continue de baisser, projetée sous les 0,80% dans quelques décennies.

Ainsi, alors qu’elle se remettait tout juste des années Covid, l’inflation et sa dynamique toujours difficile à cerner revient au centre des débats. En effet, derrière les tensions commerciales et les négociations sur les tarifs douaniers, on retrouve la question de l’inflation. Si pour l’Europe le sujet n’est pas prépondérant, pour les États-Unis, la cible des 2% semble moins proche, avec des risques haussiers plus tangibles. Les attentes des ménages américains en matière d’inflation ont d’ailleurs nettement augmenté passant de moins de 3% en glissement annuel sur les 5 prochaines années à plus de 4 %. C’est une des raisons pour laquelle la Fed est prise en tenaille pour mener à bien la politique monétaire. Car, si d’un côté elle doit faire face à une inflation relativement persistante, le marché de l’emploi, deuxième mandat de la Fed, se montre robuste, avec un taux de chômage à 4 %, et ce, malgré quelques signes d’inflexion. Ces écarts de dynamique entre les deux grandes zones économiques sont les raisons pour lesquelles la BCE a déjà baissé ses taux directeurs de 100 points de base cette année, tandis que la Fed ne les a pas modifiés. Avec la réduction de son bilan, certains l’accusent même de faire l’inverse, du quantitative tightening1. L’écart de politique entre les deux banques centrales est aujourd’hui sur un point haut, le quatrième en termes d’amplitude depuis près de 30 ans. Dans ce contexte, le marché anticipe encore 2 baisses de taux pour la Fed et une baisse de taux pour la BCE en 2025.

Un dernier point majeur complète enfin ce tour d’horizon macroéconomique : l’état des finances publiques. Notons d’abord que la « Big Beautiful Bill2 » de Donald Trump, riche en soutien aux entreprises, impacte significativement le déficit public en l’augmentant de plus de 3,3 trillions de dollars. L’impact sur la dette de l’état fédéral est jugé négatif à très négatif, augmentant probablement le poids de la dette de 6 %ou 7 % du PIB. Certains économistes estiment en effet que le poids de la dette aux États-Unis atteindrait ainsi 124 % du PIB d’ici 2031*. En Europe, le plan fiscal allemand de 500 milliards d’euros, couplé au plan « ReArm Europe3 » de dépenses pour la défense, résonne plus positivement en termes de stimulation de la demande, mais apporte tout de même aussi une certaine volatilité sur les marchés de taux.

Au niveau microéconomique, alors que la saison de publication des résultats du deuxième trimestre commence, il faudra s’intéresser de près à la stratégie des sociétés pour faire face à l’entrée en vigueur des droits de douane en avril dernier. Face à la hausse des prix à la production que ces tarifs imposent, les entreprises ont deux choix possibles : réduire leurs marges ou répercuter les hausses de coûts sur les prix et donc sur le consommateur. Historiquement, ce sont ces derniers qui étaient en ligne de front et subissaient les hausses de prix. Si cela venait à être encore le cas, la baisse de la consommation, en raison d’une confiance dégradée des ménages, pourrait venir réduire les prévisions de croissance des chiffres d’affaires, qui pour l’instant se sont montrées relativement ancrées. Les entreprises demeurent confiantes dans leurs messages, et il est très difficile de prédire qui sera impacté pour l’instant. Cela ajoute à la volatilité des marchés actions.

Ainsi, au sein des portefeuilles, nous avons cherché à limiter le risque pour mieux faire face avec prudence à cette incertitude palpable. Au cœur de la poche obligataire, nous avons significativement limité notre exposition aux obligations d’entreprises les moins bien notées, dites à « haut rendement». Nous avons également cherché à être moins exposés aux souverains à échéances longues (7-10 ans) pour se prémunir de la volatilité actuelle sur cette partie de la courbe de taux. Pour conclure, sur la poche obligataire, nous avons reconcentré notre construction de portefeuilles sur des obligations d’entreprises avec des bilans sains et qui montrent encore de l’attractivité en termes de rendement.

Côté actions, nous privilégions les marchés européens, qui devraient bénéficier d’un contexte favorable porté par la politique budgétaire allemande et le plan de réarmement. Le tissu industriel des ETI et PMI allemandes devrait notamment tirer parti de ce soutien, renforçant ainsi la dynamique de croissance dans la région. En parallèle, ces plans profiteront aussi au secteur bancaire, désormais plus solide qu’avant la crise financière de 2008. Enfin, au regard de la forte dépréciation du dollar face à l’euro (-12,2 % depuis le début de l’année, au 30/06/2025) et de la difficulté à anticiper avec certitude les mouvements futurs, nous avons limité notre risque actif, en réduisant nos investissements en titres vifs américains (exposés au dollar) au profit d’un tracker sur l’indice S&P500 couvert du risque de change.

*Tax Foundation  » Big beautiful bill lead to an economic boom or just modestly higher growth? » Juin 2025.

1 «Resserrement quantitatif » : outil de politique monétaire restrictive utilisé par les banques centrales pour réduire la quantité de liquidité dans l’économie.

2 « Grande et belle loi » : projet de réconciliation budgétaire présenté au 119e congrès des États-Unis par Donald Trump.

3 Plan de réarmement européen visant à renforcer les mesures et la politique de défense des pays membres de l’Union Européenne.

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